Je n’avais pas revu David depuis dix ans.
Je m’attendais à le voir épaissi, barbe au menton peut-être, mais toujours avec son regard pétillant. Il se présenta à moi svelte, un manteau noir ajusté à la taille, et gaillard plus que jamais.
Il m’avait toujours impressionné à chaque fois qu’il nous était donné de nous revoir, par le fait qu’il avait pris en force, ce qui contrastait avec l’image que je gardais de lui étant enfants, très fin comme je l’étais. Rasé de près, les cheveux bruns courts et bien rangés.
Accompagné de son bagage à roulettes, il me rappelait le temps où il venait chez moi à la capitale pour participer à un salon, souvent au Parc des Expositions.
Quant à son regard, son regard… J’avais du mal à distinguer son état d’esprit de prime abord. Il ne sautait pas aux yeux qu’il était content de me retrouver, je me dis qu’il était sans doute encore dans le stress du voyage. Je lui demandai s’il avait fait bon voyage, en lui disant « Bonjour » dans la foulée. Il ne me serait pas venu à l’idée de le prendre dans mes bras, ni d’autre marque d’affection. Mais je me l’expliquai de deux façons. Premièrement il n’avait jamais existé de règle entre nous. Dans la famille on se saluait en général à distance, avec une bise de temps à autre pour notre mère, et une bise ou une embrassade à chacun quand on ne l’avait pas vu depuis un moment ou aux occasions telles que les Réveillons de Noël ou du Jour de l’An.
Dans mon esprit, il n’était pas clair pourquoi il n’était pas venu accompagné. Lorsque nous nous étions quittés la dernière fois, il ne fréquentai personne, à ma connaissance. Il était resté longtemps déçu par une femme qui l’avait laissé au bout de trois ans, d’autant plus déçu je le savais, qu’il l’avait aimée comme un premier amour.
À ce moment je me rendai compte que cette pensée me renvoyait tout de suite à ma situation. Je n’avais jamais connu d’ « histoire » aussi longue que trois ans. À ce sujet tous mes frères me battaient à plate couture.
Mais enfin peu importe, je ressentais moi de la joie de le revoir. De la joie vraie et non feinte, car je dus le presser de beaucoup de questions sur son voyage, sur le beau temps qu’il faisait aujourd’hui, et tout en faisant de grands gestes avec les bras.
Or, nous marchions déjà et lorsque j’en pris conscience, je me rendis compte que je n’avais pas vérifié la direction. Je ne me rappelle d’ailleurs plus si c’était la bonne… Car non seulement une brume s’était levée, elle nous entourait et entourait déjà mon frère, diffusant comme un halo autour de lui. Alors qu’il était censé marcher à mon côté, je le voyais s’éloigner au devant de moi, et prendre une telle distance en peu de temps que j’aurais du mal à le rattraper…
C’est alors que j’émergeai.
(… à continuer…)
octobre 2021, Paris